Sur Geneawiki, on trouve de plus en plus de documents numérisés à consulter. Sylvie dans son dernier article a mis en valeur le fonds Laurence, recherches d’un érudit sur les familles niortaises avant la Révolution, je voudrais quant à moi montrer l’intérêt du fonds consacré aux secours aux anciens soldats vendéens (cote R 69 aux AD79). Ce fonds (numérisé par Jean Gontard) est constitué des demandes nominatives d’anciens combattants des troupes royalistes mais aussi de veuves qui, en 1824, profitant des bonnes grâces de la monarchie font une demande d’aide financière qui peut leur être accordée sur dossier. Chaque élément du dossier (il y en a au moins quatre) a un intérêt, généalogique ou historique. La preuve avec la demande de secours de mon ancêtre Jacques Turpaud, mon sosa 112.
Acte de naissance. Il est particulièrement intéressant d’un point de vue généalogique quand on sait que nombre de registres paroissiaux du bocage bressuirais ont disparu pendant les guerres de Vendée. Sans ce dossier, je n’aurais jamais su que mon aïeul est né en juillet 1768 à Cirières, paroisse où il ne reste aucune archive antérieure à la Révolution. Je ne connaîtrais pas non plus le nom de ses parents, François Turpaud et Jeanne Courillaud, ni celui de ses parrain et marraine, Jacques et Marie Courillaud. Grâce à ces éléments, j’ai pu de fil en aiguille, remonter quelque peu sur sa branche maternelle. Comme l’acte a disparu, il a fait appel à 7 personnes différentes pour attester de sa filiation. J’ai aussi cherché qui étaient ces témoins. Certains sont des voisins ou des amis mais d’autres sont des membres de sa famille. Ainsi, il y a son beau-frère Jacques Billy que je connaissais déjà. Mais, grâce à cette source, je lui ai aussi trouvé un cousin, Jacques Courillaud, ainsi qu’un beau-frère, Jacques Gabard époux de Marie Billy, une sœur de sa femme qui avait également échappé à mes recherches. Et j’espère pouvoir rattacher un jour François Morin que je suppose être son cousin par alliance.
Acte de notoriété constatant les services. Jacques Turpaud comparait devant M. Barrion, suppléant de la justice de paix de Bressuire. Il déclare avoir été soldat dans les armées royales de l’ouest et avoir été blessé à la bataille de Vezins, près de Cholet, en mars 1794 à la cuisse gauche. S’il ne s’est pas trompé de date, il n’a donc pas participé à la victoire des Vendéens sur l’armée républicaine à Vezins le 19 avril 1793 mais plutôt à la bataille des Ouleries, sans doute sous les ordres de Marigny, le 25 mars 1794 sur cette même commune de Vezins. Des témoins ayant combattu avec lui sont appelés à confirmer ses dires : Jacques Courillaud et François Morin déjà cités ainsi que François Papin. Grâce à cet acte, j’ai une idée de son implication dans la lutte, je sais à quel moment et à quel combat Jacques Turpaud a participé durant les guerres de Vendée.
Certificat d’officier de santé. On se doit pour avoir droit à une aide d’avoir quelques séquelles suite aux combats. Étienne Leclerc, chirurgien de l’hôpital de Bressuire, et Charles Alexandre Bienvenu, médecin des prisons et du même hôpital, examinent donc sa blessure. Ils constatent 2 cicatrices, une à l’avant de la cuisse gauche, l’autre à l’arrière, dans le pli de la cuisse et de la fesse, correspondant au passage d’une balle. Ils considèrent que, suite à cette blessure, il est dans l’impossibilité de pourvoir à sa subsistance.
Certificat d’indigence. Les aides ne sont allouées qu’aux personnes dans le besoin. C’est à M. Bichon, le maire de la commune où il réside en 1824, Terves, de le remplir. Il déclare que le demandeur est bien dans l’indigence, qu’il ne jouit d’aucune pension et d’aucun secours et que, de plus, il a perdu ses mobiliers et biens dans l’insurrection des guerres de Vendée.
Id. d’individualité. Jacques Turpaud a droit à un document supplémentaire. Comme il y a un risque de confusion lié à différentes graphies de son nom (Turpaud et Turpault), un dernier document atteste qu’il y a identité de personne quelle que soit l’écriture. Trois nouveaux témoins le certifient.
Comme il s’agit de déclarations, il faut bien sûr s’interroger sur leur exactitude. Pour les premiers éléments, je n’ai pas vraiment de doute. Je suis maintenant sûr de la filiation. Sa participation à la bataille de Vezins est probable également et la blessure traversante est réelle. Toutefois, à la lecture des autres demandes, on peut quand même s’interroger sur l’importance du handicap et de l’indigence. Il y a sans doute un effet d’aubaine 30 ans après, pour ces paysans ayant combattu pour le roi. Ils peuvent percevoir, une aide, une pension. Le tableau médical et financier semble souvent noirci à dessein pour augmenter les chances d’obtenir un petit quelque chose. Jacques Turpaud s’est marié avec Marie-Anne Billy après la guerre, ils ont eu 5 enfants qui ont atteint l’âge adulte et qui ont eu des situations convenables pour leur époque, se déclarant métayer, fermier ou même propriétaire. J’ai tout lieu de penser qu’il a pu travailler même si la douleur l’a sans doute gêné. Enfin, ses enfants ne l’ont pas laissé dans la misère puisqu’il passera ses dernières années chez son fils Louis. Jacques peut prétendre à une pension de 100 francs par an. S’il l’a obtenue, ce qui est probable vu l’avis favorable, il a dû en profiter longtemps. Jacques Turpaud, soldat vendéen à 25 ans, demandeur de secours à 56 ans, décède à l’âge de 80 ans, le 30 août 1848.
Le fonds R 69 mis en ligne par Geneawiki est vraiment une source indispensable si on a des ancêtres ayant participé (et survécu) aux guerres de Vendée du côté de l’armée royale car il donne de précieux renseignements familiaux. Il est aussi intéressant d’un point de vue historique si on en parcourt l’ensemble ; il donne une idée de l’organisation militaire, de la participation des paroisses aux différentes insurrections, du lieu des combats. Grandes souffrances ou petites misères, les plaintes des anciens combattants prêtent parfois à sourire : sur l’art de monter un dossier de réclamations, nous n’avons rien inventé. Enfin, ce fonds est très facile à consulter : les demandes sont regroupées par communes, elles-mêmes classées par ordre alphabétique. Le tout forme 17 dossiers (de R 69-1 à R 69-17). Au début de chacun, on peut lire la liste des personnes qui font la demande ainsi que le numéro de la vue pour étudier cela de plus près, c’est bien pratique ! Mélanie du blog Murmures d’ancêtres peut en témoigner, elle qui vient de publier une enquête similaire sur ses ancêtres concernés par les guerres de Vendée.
Vos articles avec celui de Mélanie se répondent bien ! Quelle bonne idée vous avez eu en tout cas !
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C’est un pur hasard, Sébastien, d’avoir cherché sur le même fonds mais c’est finalement pas mal d’avoir un regard croisé sur cette même source de recherches.
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Oui j’avais vu que vous aviez eu cette idée d’article en même temps. En tout cas, vous abordez chacun ce fonds de manière différente, mais complémentaire !
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Décidément un fonds très intéressant !
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C’est sûr ! Il y aurait même un beau travail de recherche historique à faire autour de ce fonds.
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Excellent article 🙂
J’ai la chance d’avoir tous les papiers de la demande de pension de mon ancêtre qui a combattu dans l’armée Vendéenne grâce à ses descendants qui ont tout précieusement gardé !
J’ai fait un article sur son parcours l’année dernière (https://ancetresetenquetes.wordpress.com/2019/11/07/f-comme-francois-etienne-raimbert/)
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Bravo! Très interessant. Quel beau travail ! Grande source d’inspiration,qui demande du talent et de la ténacité.
Merci beaucoup.
Evelyne
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C’est marrant de publier nos recherches sur le même sujet en même temps ! Mais il est intéressant de voir que les deux articles sont aussi vraiment différents; je découvre par exemple le document E puisque mes ancêtres n’ont pas eu besoin d’y recourir. Bref, deux articles complémentaires. Merci Raymond pour ce nouvel éclairage !
Mélanie – Murmures d’ancêtres
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Bravo au « souffleur », l’Histoire n’en sortira que grandie.
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