La famille d’Émile, de Rochefort à San-Francisco

Après avoir évoqué le destin de la famille d’Adélaïde REDFERN, je vous propose aujourd’hui de découvrir celle de son futur époux, Émile CHEMINANT. L’histoire de cette famille est encore plus étonnante.

Le recensement de 1872 de Saint-Laurs me dit qu’Émile CHEMINANT est originaire de Rochefort, mais ce n’est pas tout à fait la réalité ! C’est à Poitiers qu’il voit le jour. Le 18 juillet 1831 il est déclaré en mairie par son père Antoine-Adolphe CHEMINANT. Celui-ci est officier de santé de la Marine au port de Rochefort. L’enfant est né quatre jours plus tôt, le 14 juillet, au domicile d’une sage-femme, rue de la Tranchée à Poitiers. Mais là s’arrête l’acte de naissance, aucune mention de sa mère ! C’est la première fois que je croise un acte de naissance où le père est connu et la mère inconnue.

AD86 – Poitiers, vue 87/171

À partir de là, on ne peut que supposer : une relation entre les parents, mais une union impossible (elle était peut-être déjà mariée, ou d’un milieu social trop différent…). On aurait alors éloigné la mère à Poitiers le temps de la grossesse et de l’accouchement. Le père reconnaît alors l’enfant et la mère s’efface. Quelle fut ensuite l’enfance d’Émile, difficile à dire mais nous en reparlerons.

Impossible donc d’explorer l’histoire maternelle, mais l’histoire paternelle ne manque pas de piquant. Penchons-nous sur celle de son père Antoine-Adolphe CHEMINANT.

Pour mieux comprendre son destin, il est utile de retracer la vie de ses parents. Son père, Jean CHEMINANT est originaire de Nantes, où il voit le jour en 1765. C’est dans cette ville qu’il épouse à 23 ans la fille d’un marchant sergier de la ville. Jean est alors tonnelier. Le couple réside à Nantes où quatre enfants naissent (ils sont tous morts en bas-âge). Avec la Révolution, et pendant quelques années, il devient possible de divorcer en France. En 1801, Jean CHEMINANT habite maintenant à Rochefort où il occupe les fonctions de commis aux vivres dans la Marine. Les relations entre les époux se sont distendues. Sa femme est peut-être même restée à Nantes. Le 8 juillet 1801, le divorce est prononcé à Rochefort. Jean a déjà rencontré une toute jeune fille dont il est tombé amoureux. Le 29 mai 1802, à Rochefort, il épouse Catherine GRIMAUX, âgée de 17 ans, lui en a 36. L’année suivante naît Antoine-Adolphe (le père de notre Émile).

Antoine-Adolphe suit les traces de son père à Rochefort, il travaille dans la Marine. J’ai pu obtenir une copie de son dossier au Service Historique de la Défense. Il est entré dans la marine en juillet 1826, il a alors 23 ans. Il semble y avoir fait ses études de pharmacien.

En 1831, sur l’acte de naissance de son fils Émile à Poitiers, il est mentionné qu’il est « officier de santé de la marine au port de Rochefort ».
Il va bientôt quitter son poste. Après un congé de quelques mois pour raison de santé, sa démission est acceptée à compter du 1er août 1835.
Antoine-Adolphe n’a que 32 ans. Il semble rester quelques années à Rochefort. Bientôt, il rencontre une jeune femme, Modeste LIZÉ. Cette dernière est originaire de Brest et est mariée avec Julien PASSEDOUET, « boulanger aux subsistances de la marine au port de Brest ». Modeste et Julien ont déjà 3 enfants, 2 filles et 1 garçon, nés à Brest entre 1835 et 1838. 8 ans plus tard, c’est à Rochefort que vit Modeste avec ses 2 filles, mais sans son mari ni son fils. Elle y accouche de son dernier enfant en février 1846. Le père, Julien PASSEDOUET est absent « pour affaire » (il mourra à Angers trois ans plus tard). Modeste appelle son fils Adolphe-Sylvain-Alexis PASSEDOUET. Adolphe, comme… Antoine-Adolphe CHEMINANT, lequel demeure dans cette ville.

Vous allez me dire que tout cela est bien tiré par les cheveux. Pourtant, si je fais ce rapprochement c’est que de nouvelles découvertes sont venues éclairer l’histoire dans ce sens. Car Antoine-Adolphe CHEMINANT va bientôt quitter la France. En 1855, il a traversé l’Atlantique et les États-Unis pour devenir pharmacien à l’hôpital français de San-Francisco.

California: City of San Francisco, Districts 3, 11, 10, 12, 6, 5, and 2 (NARA Series M653, Roll 67) -vue194/196

Il est accompagné de Modeste LIZÉ et son dernier fils Adolphe-Sylvain-Alexis PASSEDOUET, devenu Sylvain-Alexis CHEMINANT, une manière pour le père biologique de reconnaître pleinement son enfant. Un autre fils naîtra ensuite mais il ne vivra qu’un an.

Tombe d’Antoine Adolphe CHEMINANT à San-Francisco

Antoine-Adolphe CHEMINANT exerce sa profession de pharmacien à San-Francisco jusqu’à sa mort à l’âge de 61 ans, le 7 février 1865. Le registre de Rochefort reporte son décès qui a bien eu lieu à San-Francisco.

Quelques mois plus tard, cette même année, Modeste LIZÉ, maintenant nommée « Madame CHEMINANT, veuve de monsieur Adolphe CHEMINANT » embarque seule sur le paquebot Europe à destination du Havre. Elle ne reverra pourtant jamais la France puisque le 2 octobre 1865 elle meurt en mer. Le registre précise qu’aucun papier ne peut « servir à établir de manière exacte sa filiation enregistrée sur le Rôle d’Équipage ».

Sylvain Alexis CHEMINANT

Sylvain-Alexis CHEMINANT a 19 ans au décès de ses 2 parents. Il a presque toujours vécu aux États-Unis, et il n’en repartira pas. Il se marie le 19 juin 1868 avec Annie J. BYRD et le 8 septembre de cette même année il est naturalisé américain. Il aura 5 enfants et s’éteindra en Californie en mai 1914 à l’âge de 68 ans. J’ai trouvé cette photo de lui posant fièrement.

Avant de vous raconter l’histoire d’Émile CHEMINANT, l’autre fils né à Poitiers, je ne peux m’empêcher d’évoquer le destin du fils de Modeste LIZÉ. Nous avons vu qu’elle a eu trois enfants avec son premier mari. Les deux filles vont se marier près de Rochefort. Son fils, Auguste-Jules PASSEDOUET, né en 1838 à Brest, s’est très vite se retrouvé seul. Il n’a pas accompagné sa mère à Rochefort et il dit être sans nouvelle de ses parents depuis 1851, il n’a alors que 13 ans. En 1862, a 23 ans il vit à Paris où il est employé. Cette même année, il épouse une jeune fille de 20 ans. L’année suivante une petite fille voit le jour. Mais, en 1871, c’est la Commune de Paris et Auguste-Jules va y participer activement. Il est chef de bataillon N°274, délégué à la mairie du XIXe et chef de la 19e légion fédérée.
La Commune est réprimée et quelques mois plus tard, le 12 septembre 1871 Auguste-Jules est arrêté. Le 30 mars 1872, il est condamné à Versailles et déclaré coupable d’avoir participé à un attentat dans le but de « changer ou de détruire le gouvernement et d’exciter à la guerre civile, d’avoir dans le mouvement insurrectionnel du 18 mars au 28 mai 1871 à Paris exercé un commandement dans les bandes armées… ».
Il est condamné à la peine de déportation dans une enceinte fortifiée. Il est envoyé au pénitencier de St-Martin-de-Ré. En août 1873, il quitte l’île pour la Nouvelle-Calédonie. Il décède en déportation à Nouméa le 17 juin 1876. Son acte mentionne comme cause du décès « sclérose du cerveau ». Il n’avait que 38 ans.

Émile CHEMINANT, l’enfant né à Poitiers, n’a peut-être jamais connu son demi-frère Alexis PASSEDOUET devenu Alexis CHEMINANT, et encore moins Auguste-Jules PASSEDOUET. Tous ont eu des destins singuliers. Qu’en sera-t-il pour Émile CHEMINANT ? Vous le saurez prochainement.

À suivre

5 commentaires sur “La famille d’Émile, de Rochefort à San-Francisco

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